En l'absence de ressources granitifères facilement accessibles, si ce n'est que dans la seconde moitié du XlXe siècle, suite au développement du réseau ferroviaire, que parviennent à Québec les premiers granits en provenance des régions de Stanstead et de Rivière-à-Pierre au Québec, du Nouveau-Brunswick et des États-Unis. Employés au début à des fins ornementales (monuments, colonnes, pilastres, etc.), les granits seront par la suite utilisés comme pierre de taille dans plusieurs édifices publics et commerciaux ainsi que, plus récemment, dans l'aménagement des parcs et des places publiques (dallage, monuments, fontaines).
Le parcours proposé donne un aperçu des nombreuses variétés de granits qui ont été utilisés au cours des ans dans la ville de Québec. Ceux-ci proviennent surtout du Québec, mais aussi d'autres provinces du Canada et des États-Unis. Nous décrivons brièvement ici, selon leur provenance, les principaux granits concernés.
Les granits de cette région sont essentiellement des granites gris provenant des plutons du Dévonien moyen. Cinq variétés distinctes peuvent être reconnues le long du parcours.
La variété la plus connue est le granite gris de Stanstead, extrait d'une vaste intrusion à l'est du lac Memphrémagog. Ce granite a été l'un des premiers à être utilisé au Québec et on peut le voir dans de nombreux édifices et monuments. C'est une pierre de couleur grise, à grain moyen ou grossier, composée d'un mélange uniforme d'orthoclase blanc, de plagioclase, de quartz (environ 20%), de biotite et un peu de muscovite (Burton, 1932).
Le granite gris de Saint-Sébastien provient du pluton de Sainte-Cécile - Saint-Sébastien. Ce granite, connu aussi sous le nom de "Silver Grey", a déjà été une pierre de construction très populaire au Québec. C'est un granite à biotite, à grain moyen ou grossier, de couleur un peu plus pâle que le gris de Satnstead et contenant des feldspaths légèrement rosés.
Le granite gris de Saint-Gérard, commercialisé aussi sous le nom "d'Écorce de Bouleau", provient du pluton d'Aylmer, à l'est du lac Aylmer. C'est un granite à muscovite et avec un peu de biotite, gris pâle, presque blanc, contenant moins de 2% de minéraux noirs, que l'on utilise surtout dans la construction. Le granite "Vert Givre", d'autre part, est une variété gris verdâtre, à grain fin, contenant des feldspaths de couleur vert d'eau. Il s'agit d'un faciès du pluton d'Aylmer que l'on retrouve localement dans une carrière et que l'on exploite sélectivement comme pierre ornementale.
Le granite gris de Scotstown (ou "Scots Grey") provient du pluton de Scotstown, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Sherbrooke. Cette pierre, qui a été utilisée dans un grand nombre d'édifices au Canada, est un granite à grain grossier, dont la teinte s'apparente beaucoup au granite gris de Stanstead.
Rivière-à-Pierre, village situé à 100 kilomètres au nord-ouest de Québec, est depuis plus de 100 ans un centre très actif d'extraction de la pierre de taille. Les granits qui ont fait la renommée de Rivière-à-Pierre comprennent diverses variétés de granits gris rose, gris brunâtre, et verts, à grain grossier, extraits d'une vaste intrusion à l'est et au nord du village; aussi un granit gris bleu, à grain moyen, extrait d'un massif de diorite quartzifère s'étendant à l'ouest et au sud du village, et un granit gneissique gris rose a été extrait près du village de Saint-Alban dans le comté de Portneuf. Les premiers granits extraits de cette région l'auraient été vers 1887-1888, il s'agit du chaperon d'un muret à l'ancien Palais de Justice de Québec et du socle du monument Jacques-Cartier - Bréboeuf en bordure de la rivière Saint-Charles. Les carrières étaient alors situées le long de la voie ferrée, près de Migwick, à une trentaine de kilomètres au nord du village actuel (Obalski, 1889-1890)
Le granite gris rose a été durant de nombreuses années la principale variété de granite produite à Rivière-à-Pierre. C'est une pierre à grain grossier qui a été abondamment utilisée dans la région de Québec pour les gros travaux de construction tels les piliers du Pont de Québec, les rives de la rivière Saint-Charles, les pavés, les bordures de trottoir, les chaînes de rues et boulevards, ainsi que comme pierre à bâtir de grands édifices publics et églises. Selon Osborne (1933), la roche se compose de microcline, d'albite, de quartz et de biotite. La couleur, qui varie légèrement d'une carrière à l'autre, est donnée par les phénocristaux de feldspath de couleur rose ou gris mauve.
Le granite gris brunâtre constitue la principale variété exploitée de nos jours. Ce type de granite, que l'on extrait de plusieurs carrières, est commercialisé sous divers appellations dont les plus connues sont "Nara Brown", "Deer Brown", et "Calédonia Original". Selon Bellemare (1997), la composition peut varier d'un granite à une monzonite quartzique porphyroïde à grain grossier. Les principales caractéristiques de cette pierre sont les feldspaths potassiques de couleur gris brunâtre à gris noirâtre et le quartz de teinte jaune pâle qui confèrent une teinte plus ou moins foncée.
Les granits verts, commercialisés entre autres sous les sous les noms de "Vert Prairie" et "Vert Atlantique" sont exploités dans la région depuis le début des années 1960. Ces roches sont des mangérites quartziques à grain grossier, composées de feldspath, de quartz et d'amphibole, que l'on trouve localement dans l'intrusion principale de granite. La couleur de ces roches, qui prennent un très beau poli, varie de vert à gris verdâtre.
Le granite gris bleu, connu sous le nom de "Bleu Minuit" ou "Dark Blue Pearl", est un gneiss dioritique à grain moyen composé de quartz, plagioclase et hornblende. En raison de la texture gneissique, la couleur de cette pierre varie de gris pâle à gris foncé selon le sens de la taille. En surface bouchardée, la pierre prend une belle patine gris pâle, alors qu'en surface polie, elle prend une teinte gris bleu foncé. Cette pierre, qui fut déjà très populaire, n'est presque plus exploitée de nos jours.
Le granite "Vieil Or de Saint-Alban" est une pierre à grain fin ou moyen, de couleur rose-saumon, qui a été exploitée durant de nombreuses années au nord de Saint-Alban, à une vingtaine de kilomètres au sud de Rivière-à-Pierre. La roche contient entre 5 et 10% de biotite et présente une texture foliée ou gneissique.
Cette région a fourni à la ville de Québec une grande variété de granits, dont les fameux granits noirs extraits des grands massifs d'anorthosite du Bouclier canadien et aussi divers granits de couleur.
Les granits "Noir Taillon" et "Noir Péribonka sont deux pierres semblables extraites du massif d'anorthosite du Lac-Saint-Jean, au nord-ouest d'Alma. Dans les deux cas, la roche est une anorthosite composée de cristaux grossiers de plagioclase noir accompagnés de 5 à 15% de magnétite ou ilménite interstitielles. Le plagioclase doit sa coloration noire à de fines inclusions d'ilménite.
Le granit "Noir Cambrien" provient de la région de Saint-Nazaire, à l'est d'Alma, d'une petite intrusion d'anorthosite à biotite et pyroxène recoupant une anorthosite recristallisée (Nantel, 1984).La roche est à grain moyen et contient 5 à 10% de minéraux opaques (ilménite et magnétite); les plagioclases sont noirs et forment des lattes qui présentent une orientation préférentielle et qui donnent à la roche sa texture particulière.
Le granit "Noir Nordic" de la région de Rivière-Pentecôte sur la Côte-Nord est extrait d'une zone d'anorthosite faisant partie du Complexe anorthositique de Rivière-Pentecôte (Nantel et Martignole, 1991). Cette pierre est caractérisée par de grands cristaux de plagioclase noir atteignant jusqu'à 15 cm et des grandes plages interstitielles de minéraux opaques (ilménite, magnétite, pyrrothite).
Les granits de couleur comprennent le granit "Brun Acajou", une monzonite quartzique rouge brunâtre à grain moyen extraite du pluton de Chamouchouane, près de Saint-Thomas Didyme, au nord du lac Saint-Jean; le granit "Vert Laurentide", extrait du massif de mangérite du mont Apica dans la partie nord du Parc des Laurentides; le granit "Tadoussac", un gneiss granitique rose marqué de couches ou de trainées légèrement grisâtres, exploité près des Grandes-Bergeronnes.
Les deux principaux granits rouges utilisés dans le Vieux-Québec proviennent du Nouveau-Brunswick et du Manitoba.
Le granite rouge du Nouveau-Brunswick provient de la région de St.George, dans le comté de Charlotte au sud-ouest de Saint-John. Les carrières se situaient dans une intrusion granitique du Dévonien; elles furent exploitées sporadiquement entre 1872 et la fin des années 1940, principalement pour la pierre à monument (Martin, 1992).Les carrières produisaient trois variétés de granite : rouge brillant, rouge clair et gris rosé. Selon Carr (1955) le granite rouge de St.George est formé d'orthoclase, de plagioclase et de quartz; en raison de la proportion élevée de plagioclase, la roche serait plutôt une granodiorite. La couleur rouge serait due à la présence d'inclusions d'hématite dans les feldspaths. Ce granite prend un poli très prononcé, offrant un beau contraste avec les surfaces bouchardées, ce qui en faisait une pierre très recherchées pour les monuments. À Québec, cette pierre a été utilisée pour les remarquables monuments de Montcalm près de l'hôtel Loews Le concorde, de F.X Garneau près de la porte Saint-Louis, et du Cardinal Taschereau sur la place de l'Hôtel de Ville.
Le granite rouge du Manitoba est le Rouge Royal Canadien, un granite rouge à grain moyen extrait d'une carrière située à 13 kilomètres de Whitemouth; c'est la principale pierre de l'aménagement de la place d'Youville.