Les matériaux calcaires, très abondants dans les environs de Québec, sont utilisés dans la construction à partir du XVlle siècle. Ces matériaux comprennent la pierre noire de Québec, les calcaires de Beauport et de Château-Richer, et le calcaire de Pointe-aux-Trembles, auxquels s'ajoutera plus tard le calcaire de Deschambault. En plus de ces pierres locales, quelques autres calcaires de provenances diverses ont été sporadiquement utilisés depuis la fin du XlXe siècle jusqu'à aujourd'hui.

Pierre noire de Québec

Les assises de la Haute-Ville de Québec font partie des Appalaches et sont formées entre autres d'un assemblage de calcaires argileux et de shales, qui on été assignés à la Formation de la ville de Québec, de l'Ordovicien moyen (St-Julien, 1995). Les calcaires argileux, qui se présentent en lits massifs de 30 cm à plus de 3 m d'épaisseur, ont été abondamment utilisés sous le Régime français, principalement dans les travaux de maçonnerie. Les marchés de construction de la ville de Québec, sous le Régime français, y réfèrent généralement sous le nom de "pierre noire de Québec" ou "pierre noire du Cap". La "pierre noire" est un calcaire argileux noir, homogène ou finement laminé, qui se débite très facilement en moellons de taille voulue. Même si elle présente un aspect massif, cette pierre est très fissile et, exposée aux intempéries, elle s'exfolie en minces couches. Selon Charbonneau (1989), la "pierre noire du Cap" était toujours utilisée dans le massif des murs de maçonnerie, en parement intérieur et, plus rarement en parement extérieur de ces murs. Dans ce dernier cas, les murs étaient généralement recouverts d'un crépi ou étaient lambrissés de planches pour protéger la pierre des intempéries. On prenait soin aussi de poser la pierre dans le sens du lit.

La pierre noire du Cap a été exploitée un peu partout dans la partie haute du Vieux-Québec, souvent sous les lieux mêmes de la construction. On peut voir encore une de ces anciennes carrières près d'un stationnement, sur la rue Berthelot, dans le secteur de la Grande Allée.

Calcaire de Beauport et de Château-Richer

Le calcaire de Beauport et de Château-Richer est la pierre gris brunâtre foncé à grain fin, à patine d'altération gris bleu pâle, qui a été utilisée dans les murs de maçonnerie et dans les fondations d'une multitude de maisons et d'édifices du Vieux-Québec. Cette pierre est tirée des calcaires du Groupe de Trenton (Ordovicien moyen) exposés dans les Basses-Terres du Saint-Laurent au nord et à l'est de la vile de Québec, entre Loretteville et Château-Richer. À compter du XVlle siècle, les calcaires du Trenton ont été exploités en de nombreux endroits comme pierre à bâtir ainsi que pour la fabrication de la chaux. Sous le Régime français, les principales carrières se situaient dans le secteur de Beauport. Au XlXe siècle, plusieurs carrières étaient encore exploitées dans la région de Beauport de même que sur la Côte de Beaupré à Château-Richer pour en extraire des moellons (Parks 1914). Encore de nos jours, les calcaires de Trenton sont exploités pour la pierre à bâtir dans une petite carrière près de Château-Richer.

Les calcaires typiques du Groupe de Trenton de la région de Québec se présentent en lits minces, légèrement ondulés, séparés par de minces interlits de shale calcareux noir. Comme les lits dépassent rarement 20 cm d'épaisseur, ces calcaires étaient surtout utilisés sous forme de moellons bruts pour les fondations ou grossièrement équarris pour le revêtement extérieur des façades. Sous le Régime français, le calcaire de Beauport était souvent employé comme pierre de taille, notamment pour les angles et les encadrements des maisons en maçonnerie de pierre (Charbonneau, 1989).

Calcaire de Pointe-aux-Trembles

Il s'agit d'un calcaire très fossilifère le plus souvent gris foncé mais aussi à teinte brunâtre, à grain moyen, qui a été abondamment utilisé comme pierre de taille dans le Vieux-Québec, dès le début du XVllle siècle mais principalement durant la première moitié du XlXe siècle. Cette pierre était extraite d'une séquence de lits épais de calcaire de la Formation de Deschambault (Trenton inférieur) affleurant à l'est du village de Neuville, juste au nord de la voie ferrée. On peut observer ces lits épais dans une carrière de pierre concassée qui a été exploitée à cet endroit, il y a plusieurs années.

Parmi les caractéristiques qui permettent de reconnaître ce calcaire, mentionnons la teinte gris foncé; la présence de couches très riches en Bryozoaires rameux, Hallopora, les stylolites très bien formés, ainsi que les nombreux plans de séparations argileux à l'intérieur des lits.

Suivant Charbonneau (1989), les marchés de construction révèlent dès 1714 l'utilisation de la pierre de Pointe-aux-Trembles, ces carrières de Pointe-aux-Trembles sont mentionnées dans le rapport de la Commission géologique du Canada pour les années 1852-53 (Logan, 1864), et elles ont été abandonnées vers les années 1860 au profit des carrières de Saint-Marc-des Carrières.

Sous le Régime français, la pierre de Pointe-aux-Trembles était surtout employée pour les encadrements des fenêtres et des portes ainsi que pour les chaînages d'angle des ouvrages de maçonnerie. On utilisait aussi cette pierre pour la confection de dallages. Au XlXe siècle, les façades de nombreux édifices seront construits entièrement en calcaire de Pointe-aux-Trembles, taillés en blocs de dimensions précises, permettant la pose en assises régulières, et elle a été utilisée aussi pour les fûts et entablements des portiques.

Calcaire de Deschambault ou Saint-Marc

Le calcaire de Deschambault, connu aussi sous le nom de calcaire ou "pierre de Saint-Marc", est extrait d'une série d'épaisses couches de calcaires affleurant près du village de Saint-Marc-des-Carrières, à 80 km à l'ouest de Québec. Les couches, qui totalisent 3 à 4 m d'épaisseur maximum, forment le sommet de la Formation de Deschambault, une importante unité de calcaire à la base du Groupe de Trenton (Clark et Globensky, 1975).

La pierre typique de Saint-Marc est un calcaire à grain moyen ou grossier composé presque uniquement de débris de fossiles incluant des Brachiopodes Rafinesquina, des Bryozoaires Prasopora et des Crinoïdes. La roche présente une couleur gris brunâtre pâle en cassure fraîche, gris pâle en surface sciée ou bouchardée. Le calcaire de Deschambault renferme parfois de petites poches ou géodes partiellement remplies de matériel bitumineux noir ainsi que de minces couches argileuses parallèles à la stratification. De façon générale, le calcaire se présente en lits de 75 cm à 15 m d'épaisseur permettant l'extraction de blocs de grandes dimensions. La "pierre de Saint-Marc" est très compacte, tient bien les arêtes et se prête bien à la sculpture.

Le début de l'exploitation du calcaire de Saint-Marc remonte à 1835 et elle s'est poursuivie sans interruption jusqu'à nos jours. Ce calcaire a été utilisé pour le revêtement d'une multitude de résidences et d'édifices de la ville de Québec. Parmi les plus beaux exemples que nous pourrons voir le long du parcours, mentionnons : l'Hôtel du Parlement, l'édifice Louis-S.-St-Laurent (bureau de poste sur la Côte de la Montagne), le palais Montcalm, l'Hôtel de Ville, les anciennes banques de la rue Saint-Pierre et l'édifice de la Douane dans le Vieux-Port.

Autres calcaires

Le long du parcours, nous verrons d'autres calcaires d'origine canadienne, très semblables au calcaire de Deschambault, qui ont été utilisés comme pierre de taille dans quelques édifices, et aussi des calcaires importés de couleurs très différentes des précédents , qui ont servi comme de pierre à monument.

Les calcaires canadiens comprennent : le "calcaire de Chazy ou de Terrebonne" provenant de l'Île Jésus (Formation de Laval, Ordovicien moyen); "la pierre grise de Montréal" extraite de la partie inférieure du groupe de Trenton sur l'Île de Montréal; "le calcaire de Queenston" de la péninsule du Niagara (Ontario) extrait de la Formation de Lockport du Silurien. Jadis très importantes, ces pierres à bâtir ne sont plus exploitées de nos jours.

Les calcaires importés incluent "le calcaire d'Indiana" et "la pierre de Château-Landon". Le calcaire d'Indiana (ou calcaire de Salem) est une pierre brun jaunâtre du Mississippien, extrait dans la région de Bloomington-Bedford; elle forme le piédestal du monument Jeanne d'Arc et le revêtement des façades de quelques édifices. La pierre de Château-Landon en France est un calcaire de l'Éocène supérieur, de milieu lacustre, à grain fin, de couleur blanc grisâtre; elle forme l'imposant piédestal du monument Champlain.