Un cycle géochimique essentiel à notre survie est en grande partie contrôlé par l'océan. Il s'agit du cycle de l'oxygène libre (O2). Si la vie a pu se maintenir et proliférer à la surface du globe, c'est qu'elle a inventé un mécanisme de défense contre ce poison violent pour elle qu'est l'oxygène. Ce mécanisme, c'est la respiration. En même temps qu'elle inventait ce mécanisme, elle en devenait dépendante.
Même si le rayonnement UV brise les molécules de vapeur d’eau (H2O) et de dioxyde de carbone (CO2) atmosphériques et produit ainsi de l’oxygène libre (O2), cette production est insignifiante en volume. L’O2 est essentiellement un sous-produit de la photosynthèse, ce processus qui, à partir du CO2 et de l'eau, utilise l'énergie solaire pour fixer le carbone dans des hydrates de carbone (CH2O), la matière des premières cellules végétales, ou encore des formes très simples de bactéries. Cette réaction dégage de l'oxygène comme nous l’avons vu au point précédent 3.4.2 et comme le répète l’équation au haut du schéma qui suit.
Au niveau des continents, la végétation, comme par exemple celle des grandes forêts, produit une certaine quantité d'oxygène grâce à l'activité de photosynthèse des végétaux. Une partie de cet oxygène est utilisée par les animaux pour respirer. Une autre partie est utilisée pour dégrader (oxyder) la matière organique morte qui provient des végétaux et des animaux. L'excédant, s’il en est, est libéré dans l'atmosphère. Le bilan net, sur plusieurs années, d'une forêt mature est pratiquement nul. C'est-à-dire qu'elle consomme autant d'oxygène qu'elle en produit, ne fournissant aucune quantité significative d'oxygène à l'atmosphère. C'est pourquoi il est exagéré de qualifier la grande forêt amazonienne de poumon de la Terre. Il y a bien d'autres raisons de vouloir protéger la forêt amazonienne, mais pas celle-là. C’est là une donnée importante à considérer lorsqu’on parle de puits de carbone dans la problématique actuelle des émissions de gaz à effet de serre.
C'est l'océan qui pratiquement à lui seul joue le rôle de régulateur de l'oxygène atmosphérique. La composante végétale du plancton, le phytoplancton, produit de l'oxygène grâce à la photosynthèse. Comme sur les continents, cet oxygène est utilisé pour la respiration par la composante animale du plancton, le zooplancton, et par les autres animaux marins, ainsi que pour l'oxydation de la matière organique. Cependant, une partie seulement de la matière organique est oxydée, l'autre partie se dépose au fond de l’océan et est incorporée dans les sédiments (voir au point 3.2.2 - les dépôts océaniques) où elle est gardée à l'abris de l'oxygène. Cette matière organique sera éventuellement ramenée à la surface terrestre sous forme de combustibles fossiles, pétrole et charbon, ou de kérogènes, beaucoup plus tard dans le cycle géologique par les mouvements tectoniques, et elle sera oxydée. On évalue son temps de résidence à plus de 200 Ma (millions d’années). Finalement, une partie de l'oxygène océanique est libérée dans l'atmosphère.
Puisque l’oxygène atmosphérique est le produit de la photosynthèse et que cette dernière utilise le dioxyde de carbone, il y a donc un couplage évident entre les taux d’O2 et de CO2 dans l’atmosphère. Ce couplage est exprimé par les deux courbes de la figure qui suit montrant la variation temporelle de ces deux composés pour les derniers 600 Ma.
On y voit bien qu’une augmentation de la consommation de CO2 par la photosynthèse se traduit par une diminution du CO2 atmosphérique et une augmentation du volume d’oxygène. La chute drastique du niveau de CO2 au Carbonifère-Permien correspond à une très forte consommation de ce gaz par la photosynthèse, à cause de l’avènement de la grande forêt sur terre, une nouveauté dans l’évolution de la Vie. Y correspond une augmentation importante de la production d’O2 atmosphérique. Nous reviendrons sur ce sujet au point 3.4.7 plus loin.
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