Comment on en est venu à reconnaître la grande glaciation du Pléistocène



C'est Louis Agassiz, un géologue suisse ayant terminé sa carrière aux états-Unis, qui a été le premier à proposer, en 1837, que les continents avaient connu des périodes où les glaces avaient couvert des étendues beaucoup plus grandes qu'aujourd'hui.

C'est par l'observation de ce qu'on appelle des blocs erratiques, en Europe et particulièrement dans le Jura, qu'il en est venu à cette conclusion. Les blocs erratiques, sont de gros blocs rocheux qu'on retrouve dispersés ici et là, qui peuvent atteindre parfois plusieurs mètres de diamètre, qui sont le plus souvent arrondis et qui surtout sont de composition différente de celle des terrains sur lesquelles on les retrouve. Ce qui implique qu'ils viennent d'ailleurs.

Avant Agassiz, ces gros blocs arrondis avaient attiré l'attention. Les Romains croyaient que ces blocs étaient le résultat des colères de Jupiter et d'Hercule. Les premiers naturalistes avaient l'explication toute trouvée: ces blocs avaient été apportés par le Déluge. La Bible oblige!

Les premiers géologues avaient observé que ces blocs étaient composés de roches qui caractérisaient les terrains de Scandinavie. On les avait répertoriés sur une grande partie de l'Europe, mais ils ne se rendaient pas jusqu'à la côte d'Azur. Charles Lyell, juste un peu avant la proposition d'Agassiz, a réalisé la synthèse parfaite de la science et de la Bible: les blocs étaient pris dans des glaces transportées à partir de la Scandinavie par les eaux du Déluge; arrivées en zone plus chaude, comme au-dessus de l'Europe, les glaces ont fondu, délestant leur charge de blocs. Voilà qui expliquait bien leur composition différente des roches autochtones et leur répartition, ... et qui aussi préservait la parole de la Bible.

Agassiz a mis en évidence que ces blocs avaient été transportés, roulés par les glaciers, à partir de deux centres, la Scandinavie (aujourd'hui on sait qu'il s'agit de la calotte glaciaire du Pléistocène) et les Alpes (ces glaciers qu'on nomme justement alpins). Il a fallu passablement de temps pour que finalement on comprenne qu'il s'était développé une grande calotte glaciaire durant les derniers 2 Ma, ce qu'on appelle la calotte du Pléistocène.

Durant la première moitié de notre siècle, on a compris qu'en fait il ne s'agissait pas d'une période homogène de glaciation, mais qu'il y avait eu des fluctuations, des périodes où la calotte était très étendue et des périodes où elle avait fondu. Plusieurs évidences ont permis de reconnaître cette situation: la présence entre les dépôts glaciaires de sols indiquant un climat plus chaud; la reconnaissance d'alternance dans la composition des sédiments des fonds océaniques reliée à des changements de température; la mise en évidence de grandes fluctuations du niveau des mers.

On en est arrivé à définir, durant les derniers 2 Ma, une alternance de périodes dites froides, les périodes glaciaires, et de période dites plus chaudes, les interglaciaires. On a reconnu quatre périodes glaciaires, entrecoupée de trois périodes interglaciaires, et comme à l'habitude, les géologues ont senti le besoin de les nommer.


On s'est aussi rendu compte qu'à l'intérieur même d'une période glaciaire, il y a eu plusieurs fluctuations. Les études récentes des sédiments des fonds océaniques et des forages dans les glaces des calottes polaires ont permis de tracer des courbes très raffinées des fluctuations chaud-froid.

Les glaciations ont aussi existé dans le lointain passé des temps géologiques. Wegener avait reconnu des évidences de glaciations qu'il utilisait pour appuyer sa théorie de la dérive des continents. Il s'agissait d'une glaciation Permo-Carbonifère datant de 300 Ma. On connaît aussi des traces de glaciation à la fin du Dévonien (350 Ma) et à l'Ordovicien (425 Ma). On a plusieurs évidences qu'il y a eu plusieurs grandes époques glaciaires dans le passé, 600, 800, 900 Ma, 2,2 Ga, et aussi loin que 2,7 Ga.