Les eaux souterraines

3.3.1 - Les Eaux Souterraines


On a vu dans une section précédente qu'une partie des eaux de précipitation ruissellent à la surface des continents pour former les cours d'eau, alors qu'une autre partie s'infiltre dans le sol pour donner ce qu'on appelle les eaux souterraines.

Les eaux souterraines constituent une provision d'eau potable inestimable pour l'humanité. Dans plusieurs pays, c'est pratiquement la seule source d'approvisionnement. Au Québec, nous sommes habitués à compter sur les eaux de ruissellement (lacs, rivières, fleuve) pour notre approvisionnement en eau potable, mais de plus en plus, individus et municipalités se tournent vers cette richesse que constituent les nappes phréatiques. Celles-ci contiennent un volume énorme d'eau exploitable. En milieu urbain ou industriel, les nappes phréatiques peuvent devenir rapidement fragiles à la surexploitation ou à la contamination. Géologues et ingénieurs géologues commencent à peine à faire l'inventaire de cette ressource et à développer des outils pour une protection et une exploitation rationnelles.

Contrairement à la croyance souvent répandue que ces eaux sont stockées dans des sortes de rivières ou de grands lacs souterrains, les eaux souterraines sont contenues dans les pores des sédiments ou des roches.

L'eau dans les roches et sédiments.

En fait, il faut savoir que la croûte terrestre contient des fluides jusqu'à de très grandes profondeurs, pratiquement sur toute son épaisseur, soit plusieurs milliers de mètres. Quand on parle d'eaux souterraines, on se réfère, en pratique, aux eaux qui se trouvent dans la partie superficielle de la croûte, quelques centaines de mètres au maximum, celles qui sont propres à notre consommation. Plus on s'enfonce dans la croûte, plus l'eau devient riche en divers sels minéraux et métaux, ce qui la rend impropre à la consommation.

Si les matériaux du sous-sol sont perméables, les eaux de pluie s'infiltrent et finissent par s'accumuler à partir d'un certain niveau, ce qui délimite deux grandes zones en ce qui concerne les eaux souterraines: la nappe phréatique, une zone où toutes les cavités (pores du sédiment, fractures des roches, cavernes, etc.) sont saturées en eau; la zone vadose, une zone où les cavités contiennent principalement de l'air avec un peu d'eau (celle attachée aux parois des cavités).

La nappe phréatique correspond au volume d'eau de la zone phréatique, alors que le niveau phréatique (en anglais: water table) correspond à la surface supérieure de la zone phréatique. Le terme de nappe phréatique est aussi souvent employé comme synonyme de niveau phréatique. La circulation dans la zone vadose se fait à la verticale. Mais dans la nappe phréatique, l'eau souterraine circule un peu comme à la suface, c'est-à-dire latéralement comme l'indiquent les flèches. Il peut arriver qu'il y ait localement dans du matériel aquifère, une zone de matériaux aquicludes, comme une couche d'argile par exemple. Cette couche forme une barrière à l'eau et permet l'accumulation d'une lentille d'eau dans la zone vadose. On parle alors de nappe perchée. C'est par exemple ce genre de nappe qui peut donner naissance à une source.

L'approvisionnement en eau potable

Elle se fait par deux types de puits: le puits de surface et le puits artésien.

On appelle puits de surface un puits qui s'approvisionne directement dans la nappe phréatique. Le pompage dans un puits de surface a pour effet de former autour du puits un cône de dépression. Un excès de pompage abaissera le niveau phréatique et pourra contribuer à assécher d'autres puits avoisinants.

Le puits artésien est un puits qui s'approvisionne dans un aquifère confiné par un aquiclude et mis sous pression à la faveur d'une zone de recharge. Le schéma qui suit montre que la recharge en eau de l'aquifère se fait à partir de la surface du terrain, créant dans l'aquifère une pression croissante avec la profondeur.

Au point où on a percé l'aquiclude, la pression dans l'aquifère fait en sorte que l'eau va jaillir si la bouche du puits se situe sous la surface piézométrique. Si la bouche du puits se situait au-dessus de la surface piézométrique, il n'y aurait pas de jaillissement; l'eau atteindrait dans le puits la hauteur de la surface piézométrique. C'est une question d'équilibre entre la zone de recharge ouverte à la pression atmosphérique et le puits aussi ouvert à la pression atmosphérique (le principe des vases communicants). Ceci explique qu'il faut une zone de recharge qui soit au-dessus de la bouche du puits. On pourrait avoir facilement un puit artésien dans une plaine qui borde une zone montagneuse, si la recharge se fait en montagne, mais il serait impossible d'avoir un puits artésien jaillissant si la zone de recharge ne se trouvait que dans la plaine.

La contamination d'une nappe phréatique

L'enfouissement des substances polluantes doit tenir compte de la nature des terrains. Ce postulat qui semble pourtant des plus évidents n'est pas toujours pris en considération.

Par exemple, un enfouissement sur des matériaux poreux comme les sables et les graviers ne peut conduire qu'à une dispersion des contaminants sur de grandes distances, lentement mais sûrement.

On croit généralement que l'enfouissement sur le roc solide est un gage de sécurité. La roche est souvent fracturée; elle peut alors être très perméable et constituer un excellent aquifère.

La roche de fond n'est pas toujours homogène. Même si l'ensemble des couches apparaît à première vue non fracturé et imperméable, il faut bien s'assurer qu'il n'y a pas une ou des couches qui soient perméables et qui pourrait agir comme transporteurs de contaminants.

Un enfouissement dans les argiles offre beaucoup moins de risques, car ce genre de sédiment est passablement imperméable.

Il faut bien s'assurer cependant que la couche d'argile soit suffisamment épaisse pour que l'enfouissement n'atteignent pas des couches sous-jacentes qui seraient perméables.

Un autre type de contamination est fréquent dans les régions côtières. Il s'agit de la contamination des puits par l'eau salée. En bord de mer, dans les régions de plaines surtout, les eaux salées, plus denses que les eaux douces potables, s'infiltrent sous ces dernières jusqu'à une certaine distance à l'intérieur du continent. L'eau douce "flotte" en quelque sorte sur l'eau salée.

Le pompage de l'eau douce entraîne la création normale d'un cône de dépression à la surface de la nappe phréatique; en réaction à ce cône de dépression, il se forme un cône inverse sous la lentille pour rééquilibrer les masses de densités différentes.

Un surpompage entraînera un abaissement du niveau phréatique et, en réaction, une remontée de la surface des eaux marines phréatique. Un puits qui pendant un certain temps a pompé de l'eau douce peut subitement se mettre à pomper de l'eau salée, comme l'indique le schéma qui suit.

Une montée du niveau marin s'accompagnera d'une montée de la nappe phréatique marine sous la plaine littorale, entraînant le pompage d'eau salée dans les puits. C'est là une situation qui risque de se produire avec la montée prévue du niveau des mers reliée au réchauffement climatique en cours et qui peut s'avérer particulièrement désastreuse dans les zones deltaïques à forte densité de population.

Les terrains karstiques

Les eaux souterraines modèlent les terrains calcaires d'une façon bien particulière: les eaux de pluies dont sont issues les eaux souterraines sont naturellement acides et dissolvent le calcaire en circulant dans les fractures de la roche, créant tout un réseau de cavernes. Ces terrains calcaires sont appelés des terrains karstiques (du mot karst, terrains calcaires de Yougoslavie).

L'évolution des terrains karstiques est la suivante.

Pour un terrain donné, le niveau de la nappe phréatique correspond en gros au niveau des cours d'eau. Comme ces eaux phréatiques sont acides, elles développent tout un réseau de cavités en s'infiltrant le long des moindres fractures et en les aggrandissant par dissolution.

Avec le creusement des cours d'eau qui tendent vers leur niveau de base, il y aura abaissement progresssif du niveau de la nappe phréatique. Le réseau de cavités progresse en profondeur au même rythme, développant un beau réseau de cavernes.

Les terrains vont devenir un véritable gruyère avec, par exemple, des effondrements qu'on appelle des dolines et qui rendent ces terrains souvent dangereux.

Les terrains calcaires font certes la joie des spéléologues en présentant parfois des cathédrales de stalagtites, stalagmites, draperies et dépôts de cavernes de toutes sortes (voir au point 2.1.5), mais ils constituent de véritables dangers pour la construction. Le terme général de spéléothèmes est utilisé pour tous ces dépôts.

L'hydrothermalisme

L'hydrothermalisme constitue un cas particulier chez les eaux souterraines. On sait que la température du sous-sol augmente avec la profondeur. Les mineurs savent bien qu'il fait plus chaud à mesure que l'on descend dans la mine. Cette augmentation de température est de l'ordre de 30°C par kilomètre (3°C par 100 mètres) dans la plupart des terrains où il n'y a pas eu de magmatisme récent: c'est ce que l'on appelle le gradient géothermique. Dans les terrains qui ont connu récemment du magmatisme (volcanisme, par exemple), le gradient géothermique est beaucoup plus élevé que 30°C/km. Des eaux chaudes à très chaudes peuvent remonter à la surface, donnant lieu à de l'hydrothermalisme.

Un bon exemple d'hydrothermalisme nous est donné par les geysers et sources chaudes du Parc Yellowstone aux U.S.A. Dans ce parc national américain (nord-ouest du Wyoming), on peut observer les manifestations spectaculaires de l'hydrothermalisme, telles les geysers, les sources chaudes, les lacs de boues chaudes et tous les dépôts qui y sont associés. Cette portion de la plaque continentale nord-américaine se situe au-dessus d'un point chaud qui a produit du volcanisme intraplaque il y a à peine quelques centaines de milliers d'années. Aujourd'hui, le magma se refroidit et la chaleur se dissipe dans la croûte continentale, créant un flux de chaleur constant, comme l'indique le schéma qui suit.

Les eaux de surface, c'est-à-dire les eaux de pluies, s'infiltrent dans les fractures de la croûte, sont réchauffées et, comme dans le cas de l'hydrothermalisme des fonds océaniques, elles sont ramenées à la surface grâce à ce flux de chaleur qui établit une cellule de convection.

Les eaux hydrothermales sont acides et produisent énormément de dissolution. Elles créent des réseaux de cavités dans le sous-sol qui est composé par endroits de rhyolite (roche volcanique) et ailleurs de calcaires.

Le flux de chaleur chauffe l'eau des cavités qui progressivement passe en vapeur. La pression dans les cavités d'un réseau donné augmente progressivement, comme dans une marmite couverte, jusqu'à ce que, la pression devenant trop élevée, la vapeur soit évacuée subitement, vidant tout le réseau, comme lorsque saute le couvercle de la marmite. C'est le geyser. Le cycle recommence avec le remplissage à nouveau des cavités par l'eau qui, chauffée, passe en vapeur, puis explose. C'est le cas du fameux geyser "Old Faithfull" à Yellowstone qui, depuis des dizaines d'années, fait éruption périodiquement à chaque heure. A Yellowstone, il n'y a pas que des geysers, il y a aussi des sources d'eaux chaudes qui forment des petits chaudrons bouillonnants ou des petits étangs chauds alimentés par des sources provenant d'un réseau où les eaux ne sont pas confinées.

Les eaux des sources hydrothermales et des geysers sont chargées en sels minéraux acquis en profondeur. Avec l'écoulement des eaux en surface, ces sels minéraux précipitent pour former des amoncellements de dépôts siliceux ou calcaires.

L'hydrothermalisme au parc Yellowstone

Un aspect intéressant de ces sources chaudes est qu'elles constituent une source d'énergie thermique gratuite. Il faut voir cependant qu'elles n'existent en général que dans les régions qui ont connu du magmatisme récent, mais pas exclusivement. Par exemple, dans les Appalaches de Virginie (U.S.A.), il y a des sources chaudes qui proviennent d'eaux qui ont été réchauffées en profondeur uniquement à cause du gradient géothermique; ces eaux cependant ont des températures à peine plus élevées que celle du corps humain. En Islande, où l'activité magmatique est actuelle, on utilise cette forme d'énergie pour le chauffage de serres, ce qui permet une culture qui serait pratiquement impossible autrement sous un tel climat nordique. Aussi, plusieurs attribuent des vertus thérapeutiques à ces sources chaudes et fréquentent assidûment les thermes.


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