Fiabilite des modeles

3.4.12 - Quelle crédibilité peut-on accorder aux données du passé et à la modélisation prévisionelle?


Pour comprendre les climats futurs et leurs changements, nous nous référons beaucoup à l’histoire des climats anciens et actuels, une démarche uniformitariste (actualisme) vue différemment qu'à l'habitude.

Ici, c’est le passé qui devient la clé du futur. Nous avons des données factuelles (écrits, mesures, relevés, etc.) sur un certains nombres de paramètres climatiques, en gros pour les deux ou trois derniers siècles, et quelques unes plus vagues pour les deux ou trois derniers millénaires (écrits historiques). En ce qui concerne l’histoire plus ancienne, nous devons nous fier aux données issues des travaux des géologues et paléontologues, des données qui découlent de l’observation, de l’analyse et de l’interprétation. Ce cours vous donne maints exemples de la nature et du degré de fiabilité de ces données géologiques (voir en particulier la section 4 et le point 3.4.7).

Dans son 3ème rapport d’évaluation (2001), l’IPCC présente un tableau qui, entre autres, exprime le degré de compréhension qu’ont les scientifiques par rapport aux divers agents qui ont contribué aux changements de l’irradiation terrestre pour les dernières 250 années. On y voit que le niveau de confiance est assez élevé en ce qui concerne les données sur les gaz à effet de serre, mais qu’il devient très faible en ce qui concerne les aérosols et autres contributeurs. Une telle constatation est à mettre en perspective dans l’évaluation du degré de fiabilité des modèles climatiques.

Source : http://www.grida.no/climate/ipcc_tar/wg1/fig6-6.htm

Le sommet ou la base des rectangles correspond aux valeurs centrales ou aux meilleures évaluations des données publiées. Les lignes verticales expriment l’écart d’incertitude basé sur les écarts dans les données publiées.

Pour qui se préoccupe de savoir ce qu’il adviendra de notre planète dans les décennies, siècles et millénaires à venir, et plus particulièrement au niveau des changements climatiques amorcés, il y a deux groupes de démarches possibles : d'une part, la boule de cristal, les feuilles de thé, l’astrologie, votre voisine et tutti frutti, et d'autre part, les méthodes de modélisation numérique (rien à voir avec la numérologie!); c’est l’un ou l’autre, les deux souffrant d’une incompatibilité définitive. Certains politiciens ont préféré choisir les premières, mais les scientifiques ont préféré jusqu’à aujourd’hui le second groupe et s’attachent à produire des modèles climatiques les plus représentatifs possibles de la nature et de ses comportements.

Un modèle climatique est en quelque sorte un gros logiciel, un gros programme pour ordinateur, à l’aide duquel on tente de résoudre une équation longue et complexe dans laquelle les innombrables variables et constantes sont les paramètres physiques, chimiques et biologiques, ainsi que les lois naturelles qui définissent le climat et son évolution dans l’espace et le temps. Dans le cas qui nous préoccupe, l’espace est la surface entière de la Planète que l’on matérialise par une infinité de noeuds (points d’intersection d’une maille plus ou moins serrée) et le temps peut être les décennies et siècles passés ou le siècle à venir. À partir d’une série de paramètres définis introduits dans le modèle, on fait « tourner » ce dernier qui finalement résoudra l’équation selon certaines variables recherchées, telles la température, la teneur en CO2 ou l’ampleur des fluctuations du niveau marin.

La fiabilité du modèle et surtout du résultat obtenu est beaucoup fontion de la compréhension que l’on a des lois de la nature et des interactions entre les divers paramètres climatiques. On doit admettre que physiciens, chimistes, géologues et climatologues connaissent assez bien ces lois depuis au moins quelques décennies et qu’en fait, la limite à la modélisation était la capacité de traitement informatique, une limite passablement repoussée aujourd’hui. En plus des paramètres physiques, chimiques et biologiques, on a vu plus haut qu’on introduit dans la modélisation, depuis qu’on est certain que les activités humaines ont une influence directe sur les changements climatiques, les paramètres sociétaux (économie, politique, comportement social, etc.).

Il faut cependant réaliser que si nous connaissons adéquatement les lois naturelles régissant individuellement chacun des paramètres impliqués, nous éprouvons encore souvent beaucoup de difficulté à cerner les interactions entre les paramètres, même si on fait présentement d’immenses progrès en ce domaine. On l’a dit plus haut, la planète Terre est un système complexe, un ensemble composé d’éléments variés, intimement reliés entre eux et fonctionnant comme un tout. Nos modèles veulent représenter ce système ou une partie de ce système. Dans le cas de modèles climatiques, le fait qu’ils peuvent adéquatement représenter une réalité connue, comme par exemple la concordance entre le modèle et les observations dans le cas de l’augmentation des températures depuis 1860 présenté plus haut, nous conforte dans leur fiabilité.

Cela dit, il est un domaine où la modélisation climatique trouve ses limites: c'est notre compréhension très limitée des effets de seuil. La réponse d'un processus à une perturbation donnée n'est pas toujours linéaire, c'est-à-dire qu'elle n'est pas nécessairement proportionnelle à la perturbation. Pour utiliser une analogie, une augmentation de la tension sur une bande élastique par faibles incréments entraînera son étirement progressif, jusqu'à ce qu'on atteigne un seuil où un seul incrément, aussi faible soit-il, fera casser la bande élastique, un effet disproportionné par rapport à la taille de la dernière perturbation et au-delà duquel il n'y a pas de retour possible. Personne présentement ne peut dire où se situe le seuil de température au-delà duquel la machine terrestre risque de s'emballer.

En définitive, il ne faut pas voir les modèles climatiques prévisionnels comme définitifs et sans faille. L’avancement des connaissances les rendront toujours perfectibles. Et ce n’est pas parce qu’ils sont imparfaits qu’ils sont faux et inutiles comme voudrait le laisser croire une certaine presse. Il ne faut pas tomber dans le piège de la pensée simpliste et réductrice, comme celle des créationnistes qui refutent l’évolution parce que les évolutionnistes ne s’entendent pas sur certains mécanismes de l’évolution. Ce n'est pas parce qu'on est pas certain si Un Tel est arrivé à 15h15 ou à 15h25 qu'on doit conclure qu'il n'est pas venu! Ce n’est pas parce que le modèle ne peut prévoir avec précision l’augmentation des températures ou la montée du niveau des mers qu’on doit le mettre à la poubelle ... et sortir sa boule de cristal ou l’horoscope chinois. Les valeurs avancées par le modèle sont susceptibles d’être revisées à la hausse ou à la baisse, mais une chose est certaine, c’est qu’il y a et qu’il y aura réchauffement planétaire, qu’il y a et qu’il y aura montée du niveau des mers.

Que faire? C'est la question traitée à la page suivante.


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