La séquestration du carbone:
une troisième voie pour le Protocole de Kyoto

Réservoir: la carbonatation minérale

On peut séquestrer le CO2 en le convertissant par des processus chimiques en des minéraux carbonatés. Plusieurs processus géologiques naturels précipitent des minéraux riches en CO2, comme la calcite qui constitue les calcaires. La carbonatation de minéraux riches en magnésium, comme la serpentine, se produit aussi naturellement. Par exemple, la serpentine réagit avec le CO2 pour former la magnésite selon la réaction:



Cette réaction est exothermique : elle libère de l’énergie. La magnésite est un minéral stable dans les conditions thermodynamiques à la surface terrestre. La carbonatation minérale est la seule méthode qui permet la séquestration permanente du carbone. C'est aussi celle qui a le moins de risques environnementaux. La réaction peut se faire par trois processus :

  1. Dissolution de la serpentine avec un acide (HCl), formation de Mg(OH)2 suivie de la précipitation de la magnésite par réaction avec le CO2;
  2. Dissolution de la serpentine dans des sels de MgCl2 en fusion, suivie de la précipitation de la magnésite par réaction avec le CO2;
  3. Dissolution de la serpentine dans une solution aqueuse, contenant le CO2 dissout, à température et pression élevées. Le défi technologique consiste à conduire la réaction chimique à la vitesse requise pour séquestrer le carbone émis, par exemple, par une centrale thermique.

La carbonatation minérale offre une opportunité unique, au Québec, pour séquestrer le carbone de façon permanente. Un projet est présentement en cours au Département de géologie et de génie géologique de l’Université Laval qui a comme objectif de caractériser de façon préliminaire les massifs rocheux et les résidus de serpentine pour établir leur potentiel de carbonatation. Ces projets sont ou ont été financés par Hydro-Québec Production, le Ministère de l’Environnement du Québec, Lab-Chrysotile, Métallurgie Magnola, Mine Jeffrey et TransCanada Corp.

Le sud du Québec contient plus de 500 Gt de roches ultramafiques formées essentiellement de serpentine.Les résidus de l’exploitation du chrysotile dans le sud du Québec sont empilés dans des parcs qui comptent environ 800 Mt de résidus d’usinage et 1.2 Gt de résidus miniers. Ces résidus constituent une source de minéraux magnésiens qui est abondante et disponible. La quantité de résidus miniers est suffisante pour séquestrer pendant plus de 200 ans la totalité des émissions en CO2 d’une centrale thermique comparable au projet Suroît. En plus, les résidus de serpentine contiennent en moyenne 0,23% de nickel, soit 3,45 Mt de nickel métallique (à titre comparatif, la mine Raglan dans le nord du Québec a des réserves de 0,7 Mt de Ni). La récupération de métaux comme le nickel lors de la carbonatation minérale serait un avantage supplémentaire.

Les résidus réagissent naturellement et rapidement avec le CO2 atmosphérique. La réaction forme des croûtes cimentées à la surface des parcs à résidus. La cimentation est le produit de la dissolution des minéraux magnésiens par les pluies acides et de la précipitation d’un carbonate de magnésium hydraté, l’hydromagnésite, à partir du CO2 atmosphérique ou dissous dans l’eau de précipitation. Ces croûtes cimentées atteignent plus de 1 m d’épaisseur et elles persistent lorsque enfouies sous de nouveaux résidus dans les parcs. La concentration de carbone inorganique dans les croûtes cimentées atteint plus de 2 % poids C. Un estimé préliminaire suggère que les parcs à résidus de l’exploitation du chrysotile dans le sud du Québec ont séquestré naturellement environ 1.78 Mt de CO2 durant plus de 125 années d’exploitation.
La carbonatation spontanée et naturelle des résidus de l’exploitation du chrysotile offre de nouvelles opportunités pour développer des processus innovateurs de séquestration du carbone. La carbonatation spontanée ouvre la possibilité de caper et séquestrer du CO2 atmosphérique émis par des sources diffuses, comme le transport, pour lesquels peut de solutions existent. La quantité de résidus de l’exploitation du chrysotile permettra d’implanter des procédés qui ont la capacité de séquestrer de manière permanente de grandes quantités de CO2.La carbonatation minérale a l’avantage de revaloriser les immenses parcs à résidus des mines de chrysotile en plus d’améliorer l’économie des régions d’Asbestos et de Thetford Mines.

Les réservoirs pour la séquestration du carbone


Département de géologie et génie géologique
Faculté des sciences et de génie - Université Laval

Dernière mise à jour : 2 novembre 2005


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