4.2.2 Du Cambrien à la Pangée (250 Ma)




Si nous commençons à peine à comprendre les détails de l'histoire précambrienne, l'histoire du Phanérozoïque (regroupement du Paléozoïque, Mésozoïque et Cénozoïque) nous est beaucoup mieux connue. Les raisons en sont simples : les couches précambriennes sont moins bien connues que les couches phanérozoïques du fait qu'elles sont souvent enfouies sous ces dernières; et surtout, les couches phanérozoïques sont riches en fossiles diversifiés, permettant de faire de bonnes datations, alors que le Précambrien ne contient que des bactéries impropres aux datations. Le bon contrôle des âges au Phanérozoïque a donc permis de reconstruire la géographie pour divers intervalleS de temps donnés (ce que les géologues appellent la paléogéographie).

Mais comment en sommes-nous arrivés à replacer géographiquement les masses continentales pour un temps géologique donné?

Comment reconstruire la paléogéographie?

Nous allons présenter l'histoire qui va du Cambrien jusqu'à la Pangée (de 544 à 250 Ma) à travers une suite de cartes paléogéographiques qui montrent comment les masses continentales se sont déplacées et les océans ont évolué durant cet intervalle de temps, selon la dynamique décrite par la théorie de la tectonique des plaques.

Les cartes présentées sont des planisphères. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce type de représentation, consultez :

Comment lire les cartes paléogéographiques?

Voici donc cette histoire, une sorte de valse des continents, présentée selon une série de cartes paléogéographiques qui illustrent comment continents et océans ont évolué durant cette période qui va du Cambrien à la formation de la Pangée à la fin du Carbonifère.

Source des cartes

Toutes ces cartes ont été légèrement modifiées à partir de celles de Christopher R. Scotese de l'Université du Texas à Arlington. Elles sont tirées de:
Scotese, C.R., 2001, Digital Paleogeographic Map Archive on CD-ROM
et
Scotese, C.R.. Atlas of Earth History, Volume 1, Paleogeography, PALEOMAP Project, Arlington, Texas, 52 pp.
Elles peuvent être consultées sur son site internet à http://www.scotese.com/Default.htm. Vous y trouverez aussi d'autres cartes, entre autres des cartes paléoclimatiques, ainsi que des animations.

Codes des couleurs

Pour rendre cette histoire de la valse des continents un peu plus concrète, nous allons y accrocher l'histoire de la formation de la chaîne de montagnes la plus près de nous, les Appalaches, cette chaîne qui s'étend du nord de la Floride jusqu'à Terreneuve, en passant par le Québec où les Appalaches sont aussi appelées Monts Notre-Dame.

On a vu, dans la section précédente, qu'il y a 700 Ma, un mégacontinent, Rodinia, rassemblait toutes les masses continentales. Par la suite, ce mégacontinent s'est fragmenté et des morceaux de croûte continentale ont commencé à "dériver" les uns par rapport aux autres, entraînés par le déplacement de plaques tectoniques relié à la fabrication de nouveaux planchers océaniques et au processus du tapis roulant.

Cette première carte montre la position du continent Rodinia il y a 600 Ma, soit à la fin du Précambrien.

À la fin du Précambrien (Néoprotérozoïque), entre -650 et -600 Ma, une accumulation de chaleur sous le grand continent Rodina a soulevé celui-ci et créé des forces de tension qui ont progressivement développé des rifts continentaux, entre autres à la hauteur de la chaîne de Grenville; ceux-ci vont contribuer à disperser les pièces.

Vers -560 Ma, deux continents ont commencé à se détacher de Rodinia et à s'individualiser. Les géologues ont nommé ces anciens continents Laurentia et Siberia. Laurentia, en gros, correspond aux masses continentales précambriennes qui forment une bonne partie de l'Amérique du Nord actuelle, moins la Floride, plus le Groenland et l'Écosse. Sibéria correspond au bouclier sibérien.

20 Ma plus tard, un troisième continent, Baltica, s'est détaché de Rodinia au tout début du Cambrien, il y a 540 Ma. Baltica correspond aux terrains précambriens de la Scandinavie actuelle, la Russie, la Pologne et le nord de l'Allemagne.

Ce qui restait de Rodinia était une grande masse continentale qu'on a appelé Gondwana englobant le Précambrien de l'Amérique du Sud, de l'Afrique, de l'Australie, de l'Antarctique, du sud de l'Europe et de la Chine. Les flèches indiquent le déplacement relatif des trois petits continents. Progressivement s'ouvrait un océan entre Laurentia et Gondwana, un océan que les géologues ont appelé l'Océan Iapétus et dont l'évolution sera particulièrement scrutée ici puisqu'elle a conduit à la formation de nos Appalaches. On doit donc supposer l'existence d'une dorsale médio-océanique entre Laurentia et Gondwana.

Cet océan s'ouvrait grâce à l'étalement des fonds océaniques à partir d'une dorsale. Dans cet océan se déposaient des sédiments. Sur le plateau continental de Laurentia par exemple, se déposaient des sédiments d'eau peu profonde: sables, boues, calcaires. Une faune et une flore localement abondantes vivaient sur ces fonds marins et ont été incorporées dans les sédiments. Plus au large, des quantités énormes de sédiments provenant de l'érosion de la chaîne de Grenville se déposaient au pied du talus continental, sur le glacis.

Durant pratiquement tout le Cambrien, la marge de Laurentia correspondait au modèle de marge passive que nous avons vu à la section 1 de ce cours (formation des chaînes de montagnes). À ce stade, Gondwana demeurait relativement stationnaire.

Il y a 500 Ma, à la toute fin du Cambrien, une cinquantaine de Ma après le début de l'ouverture de Iapetus, il s'est développé à la marge sud de Laurentia, une zone de subduction, créant du même coup un arc volcanique insulaire. Le mouvement s'était renversé. On est passé d'un océan de type Atlantique, i.e. en ouverture avec marges passives, à un océan de type Pacifique, en fermeture, avec marges actives.

Un enfoncement de la croûte océanique au large de Laurentia a formé une zone de subduction et induit un arc insulaire volcanique dont on retrouve aujourd'hui des vestiges dans les Appalaches du Québec. Des épanchements volcaniques venant de l'arc insulaire se mêlaient aux grandes épaisseurs de boues et de sables qui s'accumulaient entre la marge continentale et l'arc volcanique

Cette situation correspond au modèle de transformation d'une marge continentale passive en une marge active que nous avons vu à la section 1 de ce cours (formation d'une chaîne de montagnes).

Quelques 20 Ma plus tard, il y a 480 Ma, au début de l'Ordovicien, la fermeture de Iapetus se poursuivait et les arcs volcaniques insulaires fonctionnaient toujours. Au sud, un chaînon de petites masses continentales s'était détaché de Gondwana et amorçait sa migration vers le nord.

Vers la fin de l'Ordovicien, il y a 450 Ma, Iapetus continuait à se refermer. L'arc volcanique insulaire qui se trouvait au large de Laurentia entra en collision avec la marge continentale de Laurentia: une chaîne de montagne s'est formée, la chaîne taconnienne, la première phase de la formation des Appalaches.

Il s'est agi d'une collision de type lithosphère océanique contre lithosphère continentale pour former une chaîne de montagnes immature.


Jouxtant la chaîne taconnienne, il y avait une zone de roches non déformées, la Plate-forme du St-Laurent, correspondant aux sédiments déposés sur le plateau continental. Une grande partie de la chaîne taconnienne a été transportée sur la Plate-forme du St-Laurent, à la faveur d'une grande zone de décollement, la faille Logan (trait gras rouge sur la figure). Cette collision est assimilable au chevauchement, soulèvement et déformation des sédiments du bassin, puis de la formation d'une chaîne plissée immature, un sujet présenté à la section 1 de ce cours (formation d'une chaîne de montagnes).

Au début du Silurien, il y a 440 Ma, l'espace océanique (Iapétus) entre Laurentia, Baltica et Siberia continuait à se refermer. En particulier, Baltica accompagné du chaînon de microcontinents se rapprochait de Laurentia. L'un de ces microcontinents, le plus occidental, était Avalonia (Avalonia tire son nom de la péninsule d'Avalon à Terreneuve qui est formée par cet ancien microcontinent). Le pôle sud était occupé par la marge sud de Gondwana, plus particulièrement le nord de l'Afrique actuelle. Signalons ici qu'on connaît au Maroc des dépôts glaciaires d'âge Ordovicien supérieur; pas surprenant, puisque le nord de l'Afrique se situait au pôle sud. Depuis le début du Cambrien, Gondwana était demeuré passablement stationnaire. Il amorce ici sa migration vers le nord. L'espace océanique entre au nord Baltica et au sud Gondwana a été appelé l'Océan Rhéïque.

Au milieu du Silurien, il y a 430 Ma, Iapetus était un océan étroit entre Laurentia et Baltica. La collision Baltica-Laurentia s'amorçait au sud. Gondwana migrait vers le nord.

La faible élévation de la chaîne taconienne a permis une érosion rapide qui, couplée à un enfoncement tectonique, a amené un envahissement progressif de la mer. Il s'est donc développé, entre Laurentia et Avalonia, un bassin marin (toujours l'océan Iapétus) qui durant tout le Silurien et une grande partie du Dévonien recevra les sédiments provenant de l'érosion de la jeune chaîne taconienne et du continent Laurentia, ainsi que des épanchements volcaniques reliés possiblement à une zone de subduction au large de la chaîne taconienne.

Au Québec, dans le bassin de Gaspésie, les suites sédimentaires se déposaient dans des milieux relativement peu profonds de type plateau continental. Par exemple, c'est vers la fin du Silurien que s'y est développée une grande barrière récifale qui va de la pointe de la Gaspésie, jusqu'aux Cantons de l'Est; ce qui forme aujourd'hui le sud du Québec se trouvait alors dans la zone tropicale, autour des 25° au sud de l'équateur. Sur la plate-forme d'Anticosti (partie de la Plate-forme du St-Laurent) se déposaient des calcaires en eaux peu profondes. Les relations entre la plate-forme d'Anticosti et le bassin de Gaspésie sont pour le moment mal comprises.

À la fin du Silurien - début Dévonien, il y a quelque 420 Ma, l'Océan Iapetus était presque refermé.

Durant la période allant de -420 à - 380 Ma la collision se fera progressivement du sud vers le nord pour former la chaîne acadienne au sud (seconde phase des Appalaches) et la chaîne calédonienne au nord entre le Groenland et la Scandinavie. Cette grande chaîne acadienne-calédonienne est venue souder Baltica à Laurentia pour former une plus grande masse continentale.

Au niveau des Appalaches, les sédiments et les roches volcaniques qui s'étaient déposés durant tout le Silurien et une grande partie du Dévonien dans l'océan Iapetus ont été soulevés et déformés pour construire la chaîne acadienne, la seconde phase des Appalaches, qui est venue se superposer à la chaîne taconienne. Au sud, l'océan Rhéïque se refermait progressivement entre Gondwana et le nouveau continent Laurentia-Baltica.

Au milieu du Dévonien, il y a 380 Ma, l'ensemble des masses continentales se regroupait. L'océan Rhéïque était presque fermé. C'était le début de la collision entre Gondwana et Laurentia-Baltica, deux grandes masses continentales. Ce fut le dernier soubresaut des Appalaches.

La collision se terminera 20 à 40 Ma plus tard, autour de -340 Ma, avec la fermeture du bras de mer entre les deux masses continentales et la formation de la chaîne des Mauritanides (Maroc), aussi appelée la chaîne hercynienne.



C'est finalement à la fin du Carbonifère, il y a 300 Ma, que s'est terminé le regroupement des pièces continentales pour former ce mégacontinent de Wegener, la Pangée, une histoire de près de 300 Ma. Ce mégacontinent de la Pangée va demeurer stable jusqu'à la fin du Trias, soit pour une période d'environ 100 Ma, où il commencera à se fragmenter pour donner naissance, entre autres, à l'Atlantique (page suivante).

Sommaire de la formation des Appalaches


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